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Pippo Delbono

Du samedi 29 avril 2017
au jeudi 18 mai 2017


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On connaît Pippo Delbono pour son travail au théâtre (à voir au TNT du 9 au 13 mai avec deux spectacles). Acteur, danseur, metteur en scène. Figure majeure d’un théâtre contemporain qu’il agite sans relâche depuis les années 1990. Un théâtre frontal. Radical. Doux et fou. Politique et intime. Pippo Delbono casse les murs. À commencer par le quatrième. Pippo Delbono communique. Avec le monde. Avec le public. Avec les autres. Il parle des autres et il parle de lui. Il parle des autres quand il parle de lui. Et il parle de lui quand il parle des autres. On connaît son théâtre mais on connaît moins son cinéma. Il est tout aussi important. Un prolongement de son regard sur la société par l’introspection. De la politique de l’intime à l’intime du politique. Pippo Delbono est de ceux qui mettent des corps, des visages, des noms, là où d’autres se contentent de statistiques. Pippo Delbono parle de sa mère, de Bobo, du théâtre, d’Israël et de Palestine, de la folie, de l’Italie, des migrants, des évangiles ou des Brigades rouges… Il fait part de ses doutes, de ses réflexions, de ses rages et se confronte à ce qui l’entoure, à ce qu’est la vie. Seulement muni d’une petite caméra vidéo ou plus généralement d’un téléphone portable, il a développé un cinéma de contact. Au contact. Un cinéma autre. Ni fiction. Ni documentaire. Entre l’essai et le journal filmé. Un cinéma où il se met en jeu, tout comme il se met en je. Pippo Delbono se livre et c’est le cinéma qui se délivre. Le cinéma qui retrouve sa fonction révélatrice. Révéler ce que l’on ne voit plus parce que sous nos yeux. Le cinéma qui retrouve de son mystère alchimique. Cela par le biais de la caméra d’un téléphone portable. Légèreté, souplesse, immédiateté, Pippo Delbono fait ses films avec son téléphone. En dansant. En dansant comme danse un boxeur. Toujours prêt à dégainer. Toujours au plus près. Au direct. Au contact. Avec un téléphone pour caméra, il n’y a plus la distance, ni l’objectif derrière lequel se protéger. L’objectivité vole en éclats. Il y a quelqu’un qui dit son sentiment du monde. Avec son téléphone, Pippo Delbono se met, et nous met, au cœur de la mêlée. C’est parfois violent. Agité. C’est aussi beau. Le grain que donne à l’image la caméra du portable tient par moments de la peinture. Une image d’icônes semi-effacées, des icônes du XXIe siècle que l’on viendrait de découvrir. Se révèlent à nous des mosaïques du passé, vestiges de ce qui est bien notre siècle. Des images numériques sorties d’un chantier archéologique du regard, une fouille archéologique du présent. L’expérience est saisissante. La voix mêlée de musiques, posée dessus, pousse au lyrisme. Et c’est une étrange poésie qui nous saute à la gorge. Une poésie brutale. Qui peut remuer. C’est aussi une poésie qui nous prend à la gorge. Une poésie brute. Qui peut nous étreindre. Pour le dire vite, le cinéma de Pippo Delbono est un parfait mélange d’Alain Cavalier et de Pasolini, un cousin de Chris Marker. Pour le dire mieux, il est un bel exemple d’arte povera cinématographique. Ou, le cinéma offre encore des possibles.

Franck Lubet, responsable de la programmation

En partenariat avec le TNT – Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées à l’occasion des spectacles La Notte (9-10 mai 2017) et Amore e carne (11-13 mai 2017) mis en scène par Pippo Delbono.