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Ginette Leclerc, victime consentante du cinématographe

Du mardi 02 mai 2017
au dimanche 02 juillet 2017

« Dans les films, j’ai deux spécialités qui m’ont fait connaître ou me font reconnaître du grand public. Il est indispensable, sans doute, au début d’une carrière, d’être étiquetée, mais plus tard on devient victime de cette étiquette qui se trouvait nécessaire au départ. Il faut devenir spécialiste d’un certain genre, pour qu’en cas de besoin on pense immédiatement à faire appel à vous […]. Ma première spécialité, tout le monde la connaît : les vamps, les femmes de petite vertu ou très légères. Ma deuxième spécialité est moins engageante : c’est que je meurs toujours. » Ces propos tirés de son autobiographie écrite à l’âge de 50 ans (Ma vie privée, 1963) peuvent à eux seuls résumer ce que l’on retient communément de Ginette Leclerc. Mais qu’en retient le cinéphile d’aujourd’hui si ce n’est son rôle à contre-courant de Denise dans Le Corbeau de Clouzot ou de femme du boulanger chez Pagnol ?
L’occasion est donnée à la Cinémathèque de Toulouse de se pencher sur une actrice – jamais célébrée car pas assez star pour être encensée – grâce au don d’un proche qui a reçu d’elle ses albums personnels : au total un ensemble de près de 20 classeurs contenant photos et articles qu’elle a patiemment assemblés. Une mine documentaire de près de 2 000 coupures de presse, 1 000 tirages retraçant une vie entière : des images familiales encore vierges de toute aura cinématographique aux articles retraçant en 1944 sa mise au ban d’une société avide de régler ses comptes avec l’occupant et ses profiteurs désignés, en passant par des photos de plateau, de tournage ou de promotion. Tout est rassemblé dans ce fonds. Assumé, à l’état brut, sans filtre.
En 50 ans de carrière – avec plus d’une centaine de films, de séries télévisées et de pièces de théâtre –, celle qui servit en 1935 aux frères Lumière de modèle pour leur test de cinéma en relief a croisé sur son chemin Jean Gabin, Christian-Jaque, Raimu, Tourneur père et fils, Pierre Fresnay, Fernandel, Henri-Georges Clouzot, Marcel Pagnol.
Son étiquette de femme pulpeuse et facile, elle la garde au final fièrement. En témoignent ses photos personnelles où elle joue de l’objectif en se prélassant en collant résille à un âge où d’autres n’oseraient pas même montrer un orteil. Comme si, de tout, fallait-il ne garder qu’une preuve de plaisir à jouer et à vivre. Et du cinéma, le pouvoir de mourir vingt fois.

Vincent Spillmann, Département des collections

> Cinémathèque de Toulouse (hall)