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Invités d'Extrême Cinéma 2018

Brigitte Lahaie

Lahaie d’honneur pour cette actrice, romancière, essayiste et animatrice de radio. Le bon mot est aisé, un rien facile. Pourtant, il dessine à merveille toute l’admiration que l’on porte, qu’il faut porter à Brigitte Lahaie. Elle fut une reine blonde et sculpturale du cinéma X de l’ère giscardienne. De 1976 à 1980, elle tourne une trentaine de films sous la caméra des maîtres du genre ; Francis Leroi, Gérard Kikoïne, Claude-Bernard Aubert (alias Burt Tranbaree), Claude Mulot ou encore José Bénazéraf. À l’époque, on fait preuve d’inventivité, d’humour, d’amour et d’audace. Avant même qu’elle abandonne définitivement sa carrière dans le X, en juin 1980, elle bifurque vers le cinéma dit « classique » et illumine les films de Jean Rollin, des Raisins de la mort à Fascination, de La Nuit des traqués à La Fiancée de Dracula. Comme elle aime à le dire, elle a eu des grands rôles dans de petits films et des petits rôles dans de grands films. On l’aperçoit notamment dans I… comme Icare d’Henri Verneuil, Diva de Jean-Jacques Beineix, Pour la peau d’un flic aux côtés d’Alain Delon et Henry et June de Philip Kaufman. Elle se plie volontiers au jeu de la parodie avec Thérèse II la mission et Fabrice du Welz ne s’y trompe pas lorsqu’il lui propose une mémorable apparition, sous les traits de Mademoiselle Vicky, dans son tétanisant Calvaire. Toujours reine. Toujours souveraine. Que ce soit sur le grand écran ou sur les ondes à modulation de fréquence où elle aborde la sexualité sous tous les angles tout en respectant les blocages les plus ancrés. Une qualité qui n’appartient qu’aux grandes dames et aux reines.

Jean-Pierre Bouyxou

Actionniste érudit, pourfendeur des normes et défenseur d’un art de la brèche ; du cinéma expérimental à l’érotisme, en passant par le fantastique de tout poil ou la comédie façon Émile Couzinet, Jean-Pierre Bouyxou promène son lyrisme youplaboumesque et contestataire en terres cinéphiles depuis bien quarante ans. Un pur. Sa plume est acerbe, mais ne perd jamais sa bonne humeur. Bouyxou sévit aujourd’hui à Siné Mensuel – il a été auparavant de l’aventure des Hara-Kiri, Lui, Actuel, La Revue du cinéma, et bien d’autres encore, la liste serait trop longue. On lui doit la première étude sérieuse consacrée au mythe de Frankenstein, le livre définitif coécrit avec Pierre Delannoy, L’Aventure hippie, et des romans érotiques sous pseudonyme aux titres aussi évocateurs que Sorcellerie rémoulade, S.O.S. Mes deux seins ou encore L’Épiée nue. Sans compter, bien sûr, sa participation à d’essentiels ouvrages collectifs comme La Grande Encyclopédie de la sexualité, Une encyclopédie du nu au cinéma et Jeune, dure et pure ! Une histoire du cinéma d’avant-garde et expérimental en France. Quant à ses films, que ce soit les expérimentaux Graphyty ou Satan bouche un coin, le ready-made Sortez vos culs de ma commode ou les pornographiques Amours collectives et Entrez vite… vite, je mouille, ils sont toujours aux films traditionnels ce que les graffitis de chiottes sont à la grande littérature…

Julien Bodivit

Né en Bretagne, vivant en Suisse, mais élevé à la VHS, Julien Bodivit a passé une grande partie de sa jeunesse en compagnie de tubes cathodiques – allant même jusqu’à observer minutieusement, des dizaines de minutes durant, les écrans neigeux chargés de bruits blancs qui suivaient la fin des programmes télévisés. Un comportement inquiétant au regard de ses géniteurs qui ne comprenaient pas le pouvoir d’attraction d’un tel phénomène audiovisuel. Une fois ce germe assimilé, son parcours de cinéphile ressemble à celui de milliers d’autres individus de sa génération. Les visionnements de films percutants et la lecture assidue de magazines spécialisés le transformèrent en rat de vidéoclub désireux d’en voir toujours plus ; et lorsque les rayons étaient connus sur le bout des ongles, il fallait sonder ailleurs afin de trouver les titres mystérieux cités dans les littératures. On n’imagine plus la jubilation quasi-indécente provoquée par l’acquisition de l’un de ceux-ci… La logique voulut qu’il se mette en tête de faire du cinéma. Meilleur spectateur que réalisateur, il a vite laissé tomber la caméra pour répandre la bonne parole, dans des lieux culturels alternatifs d’abord, lors de projections sauvages alimentées de cassettes vidéo de troisième génération diffusées sur des draps sales, puis par le biais du fanzinat dans les pages de Trash-Times, avant de se faire la main comme programmateur de festival au 2 300 Plan 9 de La Chaux-de-Fonds, en Suisse. Fort de ces expériences, il fonde le Lausanne Underground Film & Music Festival en 2002, merveilleux festival de cinéma et de musique, reflet incongru de ses premières amours cathodiques avec lequel il fait n’importe quoi depuis 16 ans maintenant.

Mademoiselle Kat

Non, Mademoiselle Kat n’est ni une énième marque de fringues branchée, ni une rock star alternative, c’est une artiste de la rue qui se joue des clichés et stéréotypes que véhiculent la publicité et la communication autour de l’image de la femme. Dans un grand écart sémantique elle hybride certaines figures classiques de l’histoire de l’art avec certaines « images » issues de la pop culture. Après plus de quinze années à sillonner de nombreuses capitales, de Barcelone à Londres, en passant par Bruxelles et Chongqing, les filles et les femmes de Mademoiselle Kat ont habité des centaines de murs. Secrètement dans le confort de l’atelier, les silhouettes sont devenues personnages à part entière, intégrant des récits complexes, fragmentés sur des supports plus classiques, comme la toile ou le papier affiche. De la mine de plomb à la poudre de graphite naturel, en passant par la fluidité des encres, les techniques se sont diversifiées pour étoffer un univers magique où les femmes incarnent des rôles multiples. Le cadre s’est complexifié, les décors variés, la galerie de personnage élargie, néanmoins les héroïnes flamboyantes sont toujours présentes. Après Marilyn, Cat Woman, Blondie ou Lilith, d’autres figures plus complexes d’une cosmogonie féminine en perpétuelle évolution sont apparues. Ces portraits, auparavant signes et messages urbains directs, sont aujourd’hui partie prenante d’une œuvre plus vaste. De la vidéo en passant par la toile, l’installation sans jamais renier la fresque, Mademoiselle Kat propose un monde féminin polymorphe, où la fiction s’épanouit le long de détournements revendiqués. Allant de l’histoire de l’art au cinéma italien des années 1950 jusqu’aux affiches de l’âge d’or hollywoodien ou celles du cinéma fantastique bis peuplé de crazy monsters !
Manuel Pomar

Alan Deprez

Alan Deprez était un môme étrange, à l’imagination débordante et souvent prisonnier de son monde intérieur. Les cinémas fantastique et d’horreur − bientôt rejoints par les films asiatiques, bis, érotiques et pornographiques − se sont dressés en piliers de sa cinéphilie, construite dans les salles obscures et au vidéoclub de son quartier. Diplômé de l’INRACI (école de cinéma bruxelloise) en 2007, pour ensuite parfaire son apprentissage des métiers de l’audiovisuel en bossant comme assistant-réalisateur, caméraman ou encore électro, il n’a jamais perdu de vue ses velléités de cinéaste, livrant un long métrage documentaire (Princesse Mimi − toujours inédit − dédié aux débuts d’un jeune gay dans les shows transformistes), des clips (dont Je Ne Sais Quoi de l’artiste suisse Genevan Heathen, avec un cameo de Cuizinier du groupe TTC) et des courts métrages. Alan partage son temps entre les plateaux et son activité de journaliste culturel et chroniqueur / critique cinéma. Il a collaboré ou contribue encore aux magazines Mad Movies, Lui, Hot Vidéo, Vivre Paris ou Metaluna, ainsi qu’aux fanzines Médusa et Darkness. Il a également écrit une série de critiques pour L’Encyclopédie des longs métrages français de fiction 1929-1979 coordonnée par Armel De Lorme.

Patrick / Kragg

Tous les garçons s’appellent Patrick paraît-il… Enfin ça, c’était ce que pensait Jean-Luc Godard à l’aune de la Nouvelle Vague. Car Patrick c’est le nom d’un groupe, d’une improbable formation toulousaine. Patrick, c’est de la batterie qui cogne et du synthétiseur Korg qui poutre. Quelque part de la musique au goût de colorant E227 écartelée entre culture savante et culture populaire. Musiques de séries télés fabriquées à la chaîne, murmures synthétiques de documentaires animaliers antédiluviens, thèmes obsessionnels de jeux vidéo et mélodies pompières de talk-shows désuets. Voilà pour les influences. Pourtant, Patrick n’est ni daté, ni moderne. Patrick ne joue pas la carte du rétro-futurisme et encore moins celle de la néo-modernité. Patrick est une formation minimaliste composée de deux garçons qui décoiffent, jouent fort et décloisonnent les genres. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour eux ça veut dire beaucoup.
Pour leur prêter note forte, Kragg, complice de toujours et vieux briscard du synthétiseur analogique. Le bonhomme manie les oscillations de ses machines tout comme il fend les bûches en deux. Élégance et fermeté. Ils seront tous trois réunis, au service de L’Invincible Spaventa et de son gang de filles.