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Casses tous risques

Du mardi 26 mars 2024
au dimanche 12 mai 2024


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Et braquo à gogo ! Casses tous risques (ça ne veut rien dire, mais ça sonne bien) et braquo à gogo (ça ne veut pas dire beaucoup plus mais ça sonne mieux encore). Vous l’aurez compris, c’est en toute décontraction que nous vous proposons une virée du côté d’un sous-genre du film noir : le film de casse. Ou/et de braquage. On ne sait jamais très bien et on a tendance à mettre tout le monde dans le même panier.

Il y a pourtant bien une différence. Le casse – de casser une banque ou un coffre – est l’art de dérober un butin sans violence, ni vu ni connu. En douce et en douceur. « Ni armes, ni violence et sans haine » selon la formule de Spaggiari. Le braquage au contraire, c’est du vol violent, le vol à main armée. Des individus masqués qui entrent dans une banque avec fracas et au grand jour, menaçant d’une arme employés et usagers pour partir avec la caisse. Que personne ne bouge, c’est un hold-up !, selon la formule consacrée. Tous deux peuvent se pratiquer en équipe ou en solo. Et tous deux sont qualifiés par le code pénal français de vol aggravé, bien qu’un vol à main armée encoure une plus lourde peine qu’un cambriolage. Au cinéma, ils finissent presque toujours mal. (Dans la vraie vie aussi, d’ailleurs).
C’est un peu la règle du genre – que ça finisse mal. Question de bienséance morale ? Forme de censure ? Parce qu’il ne faudrait pas que le cinéma, que la société accuse déjà de bien des maux, suscite quelques nouvelles vocations dans le crime. À moins que ce ne soit une manière de préserver le public : l’échec d’autrui, surtout quand il s’agit de réaliser le plan parfait, ayant quelque chose de rassurant pour celui qui en est spectateur. N’y aurait-il pas un certain plaisir coupable à voir nos héros tomber ? Presque une forme de sadisme refoulé à les voir tout près du but, à deux doigts de décrocher le jackpot qui leur assurera une liberté matérielle que nous ne connaîtrons jamais, pour chuter lamentablement, rattrapés par le grain de sable qui fait dérailler les mécaniques les mieux huilées. Une sorte de happy end pour le spectateur qui sortira du film en appréciant finalement mieux la banalité de son quotidien. L’idée que ces types qui se croient plus malins que les autres ne valent pas mieux que les trimards que nous sommes. Vous voyez l’idée retorse ?…

Pour faire un bon film
de casse il faut
que la mécanique s’enraye,
que le processus
se grippe,
il faut que ça foire.

L’autre règle du genre, celle qui procure le véritable plaisir, c’est sa construction, sa trame codifiée : un tuyau, un besoin, un plan, la constitution d’une équipe, la préparation et puis la réalisation (minutieuse ou spectaculaire, c’est selon). Une montée en pression jusqu’à la mise en tension. Une histoire de mise en scène ; elle aussi, comme le coup à réaliser, méticuleusement spectaculaire ou spectaculairement méticuleuse. Il y a quelque chose du cinéma dans le déroulement d’un film de casse ou de braquage : on monte un coup comme on fabrique un film. Scénario (le plan), une équipe (casting), préparation et réalisation du plan (le tournage). Il y a un parallèle à tracer. Sauf que pour faire un bon film de casse il faut que la mécanique s’enraye, que le processus se grippe, il faut que ça foire. Bref, on veut de la lose.

Et on en aura ici. De la bien noire. De l’éclatante. De la débridée. De la violente. De la comique. De la réaliste. De la politique. De la décalée. Et de la classique. De la populaire. De la qui finit bien aussi. De la lose bien de chez nous et d’ailleurs. De la bien connue et de la qu’il faut découvrir de toute urgence. On veut de la lose. Et on en aura. Que de la parfaitement bien réussie.

Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse