Fermer cette fenêtre banner

Panorama des cinémas d’Inde

Du samedi 02 mai 2015
au dimanche 31 mai 2015


Voir les projections

Des films qui durent plus longtemps que des piles Duracell, des couleurs aussi riches que des épices, des chansons entêtantes et des chorégraphies à faire pâlir de jalousie Busby Berkley s’il s’était appelé Douglas Sirk. C’est à peu près, résumé grossièrement, ce que l’on retient généralement du cinéma indien. Kitsch, nous répétons-nous sans arrière-pensée péjorative, et plutôt euphoriques, tout en nous étonnant d’une cinématographie dont la production annuelle est la plus importante du monde, dépassant largement Hollywood. Bollywood ! Le mot est lâché.
Mais en réalité, ce que l’on appelle communément Bollywood n’est qu’une partie de l’iceberg, l’arbre qui cache la forêt d’une cinématographie plus diverse et complexe qu’il n’y paraît. S’il s’agit bien à l’origine d’un studio, comme son modèle californien, il n’en est pas l’unique. Il n’en est qu’un parmi d’autres – Bollywood désignant davantage le cinéma indien en langue hindi. Il en reste néanmoins le plus puissant car sa force économique lui permet d’essaimer au-delà même des frontières et que l’hindi est la langue la plus parlée du pays. Ainsi le cinéma indien se définit-il d’abord linguistiquement. Bollywood désigne le cinéma en langue hindi, Kollywood le cinéma en langue tamoul (celui dont la sensibilité est la plus politique), Tollywood le cinéma en langue bengali (la langue du cinéma d’auteur, celle de Satyajit Ray qui rayonnera la première à l’étranger, mais aussi de Ritwik Ghatak), pour ne citer que les principaux.

Une cinématographie nationale, donc, qui se compose de cinémas régionaux avec chacun leurs spécificités culturelles et historiques. Un peu comme si chez nous il y avait un cinéma occitan, de l’ouest et de l’est, un cinéma breton, corse… Ou, pour être plus juste, comme si l’on considérait l’Union européenne comme une seule nation, à part entière, et chacun de ses pays membres comme un État. Nous parlerions alors d’un cinéma européen comme du cinéma indien, même si le cinéma grec n’a rien à voir avec le cinéma suédois.
L’Inde est un pays immense, le plus peuplé après la Chine. Une république parlementaire fédérale constituée de 29 États définis justement sur ces critères linguistiques. C’est aussi une histoire. Une des civilisations les plus anciennes. Mais, outre les deux textes sacrés de l’hindouisme, le Mahabharata et le Ramayana, auxquels le cinéma (surtout bollywoodien) emprunte majoritairement ses récits, personnages et codes, tout en en proposant des variations, c’est l’histoire récente et ses cicatrices que l’on croisera dans beaucoup de films. L’histoire récente, c’est-à-dire la colonisation, le Raj britannique qui court de 1858 à 1947, année de l’Indépendance et de la partition du pays donnant deux nouveaux pays : l’Inde d’aujourd’hui et le Pakistan. Un pays pour les hindous et un autre pour les musulmans, entraînant déplacements massifs de populations et désaccords sur les frontières, sans parler des provinces du Bengale et du Pendjab pris entre ces deux feux.

Les conséquences de ces périodes et événements historiques – la colonisation britannique, l’Indépendance et la partition, si elles sont politiques, sont aussi sociales. Et les questions de castes, de classes, et le tiraillement entre la tradition et la modernité, seront donc aussi présentes que la féerie. Et parfois dans un même film. C’est d’ailleurs – mis à part le cinéma bengali, et notamment les cinémas de Satyajit Ray et Ritwik Ghatak, d’une certaine façon plus européens – la grande difficulté que l’on peut éprouver face à un film indien. La difficulté à le résumer d’abord : chaque histoire est une vie sinon une épopée. La difficulté surtout à le catégoriser selon nos critères. Est-ce un mélodrame, une comédie musicale, un film sentimental, un film social ?… Eh bien, c’est souvent tout cela à la fois. Plusieurs films en un. Une diversité à l’intérieur d’un seul film qui en fait un cinéma singulier. Au-delà des codes et de la culture qui, ne nous leurrons pas, nous échapperont à certains moments.
Nous avons essayé de rendre compte de cette diversité à travers ce panorama d’une trentaine de films, couvrant les années 1950 à nos jours (même si le cinéma indien n’est pas né avec l’Indépendance et existe depuis le temps du muet), en privilégiant au maximum et en fonction des copies les grands classiques et les films cultes en Inde, allant de l’humour humaniste de Raj Kapoor à la mélancolie douloureuse de Guru Dutt, en passant par l’engagement de Ritwik Ghatak, l’incontournable Satyajit Ray, et bien d’autres pépites à découvrir.

Franck Lubet

Avec le soutien de l’Ambassade de l’Inde à Paris.
Remerciements à la Directorate of Film Festivals,
Ministry of Information & Broadcasting, Government of India.

Bibliographie sélective :

Ashish Rajadhyaksha et Paul Willemen, Encyclopaedia of Indian Cinema. Londres : British Film Institute, 1999.

Yves Thoraval, Les Cinémas de l’Inde, Paris : L’Harmattan, 1998.

Ophélie Wiel, Bollywood et les autres, Paris : Buchet/Chastel, 2011.