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Hommage à Chantal Akerman
Dans Hôtel Monterey, le premier long métrage de Chantal Akerman, une caméra errante arpente des couloirs en lents travellings. C’est la nuit. L’hôtel est suranné. Les couloirs sont vides. Entre ces mouvements, des plans, frontaux comme le regard perce, fixent dans leur chambre des clients sans âge saisis dans une immobilité photographique. Sont-ce des apparitions ? Des spectres capturés par une caméra scrutatrice qui prend le temps, comme au temps de l’argentique, de la révélation. Hôtel Monterey tient du film de fantômes. Un film hanté. Par la disparition. C’est-à-dire par la présence. Un film qui rend visible l’invisible, qui regarde au-delà du visible.
Révéler au-delà du champ. Révéler le champ lui-même par la durée. Maîtriser le temps pour mieux appréhender l’espace. Ce sera la force et l’essence du cinéma de Chantal Akerman.
Aujourd’hui, elle a disparu. Comme si elle était entrée dans son dispositif. Elle est passé de l’autre côté. Dans ce champ que l’on ne peut décrire avec des mots. Dans ce champ qu’elle savait écrire avec une caméra.
Cinéaste du pronom personnel, elle se prolongeait dans la conjugaison, accordant le temps à l’espace, le cinéma d’avant-garde au cinéma commercial, la fiction au documentaire, l’insurrection à la tendresse, la légèreté à la gravité. Et vice-versa. Jamais captive d’une chapelle ou de l’autre, elle captait. Elle capturait et libérait, le regard et les images. Elle révélait et recelait. Elle levait le voile et les mettait.
Chantal Akerman a décidé de disparaître. Elle laisse un vide. Un vide comme ses cadres qu’elle savait mettre à nu pour les rendre plus habités. Et comme ses plans peuvent être hantés, elle continuera de nous habiter à travers ses films.
Franck Lubet, responsable de la programmation