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Albert Serra

Du vendredi 19 octobre 2018
au samedi 20 octobre 2018


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« Je n’ai jamais étudié le cinéma, ni jamais, jusqu’à aujourd’hui, assisté à un tournage qui ne soit pas le mien, je n’ai donc aucune idée de la façon dont les autres, amis, inconnus, connus, font des films. Je n’ai jamais eu la moindre envie d’aller voir le tournage de quelqu’un d’autre. Et je n’ai jamais eu de respect pour les artistes qui ont suivi une formation académique, quels qu’ils soient (je n’y fais aucune exception) ». Le ton est donné. Albert Serra, non seulement a un air de ressemblance physique avec Fassbinder, mais il en a surtout l’intransigeance. Autodidacte catalan, il tourne son premier film à l’orée des années 2000, pour s’amuser, pour tromper l’ennui de l’été dira-t-il, avec des amis de son village. De l’amusement pour provoquer l’imprévisible, revendiquant haut et fort, non pas un amateurisme que l’on aime à rapprocher − fausse modestie − de l’artisanat, mais un parti du moindre effort, du peu de travail, dont seuls les véritables artistes peuvent se targuer. Cancre génial ou génie dilettante, en une poignée de films, Albert Serra fait preuve d’un talent inné, saisissant quelque chose du monde à travers le cinéma et le cinéma à travers le monde qu’il filme, répondant à la définition d’un cinéaste par Jean-Claude Biette tout en nous plongeant dans le mystère du réalisme ontologique posé par André Bazin. Ainsi, son cinéma, fait de longs plans contemplatifs dans lesquels semblent errer, le plus souvent, des acteurs non professionnels qu’il dirige de loin, les confrontant à l’inquiétude de l’improvisation, tient-il de l’enregistrement du présent du tournage. L’effet est saisissant, d’autant plus qu’il s’agit toujours de films historiques. La vérité n’est pas dans l’histoire qui nous est racontée, mais dans son enregistrement. Un cinéma documentaire sans les attributs du cinéma documentaire. Un cinéma qui remet la caméra au cœur du dispositif, qui rend perceptible l’œil (vertovien) de la caméra − le regard fuyant de Sancho / Lluís Serrat dans Honor de cavalleria, le long regard caméra (près de trois minutes) de Léaud XIV dans La Mort de Louis XIV… Albert Serra, par ses dispositifs non-conventionnels, provoque le mystère du cinéma et en obtient la grâce. La grâce d’un art indéfectible qu’il transfigure par sa foi dans l’image numérique, quand il est de bon ton désormais de prôner l’argentique pour convoquer l’art en cinéma. Non seulement le fait de tourner exclusivement en numérique lui donne la possibilité de traquer cette vérité que seule la caméra peut capter indépendamment de l’artiste, mais l’image numérique, qu’il pousse dans ses retranchements, à la lisière du visible, lui procure une matière picturale dont il tire de véritables toiles de maître crépusculaires. Son cinéma, qui tient de l’instant, nous place au bord d’un précipice. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il donne le vertige. Une expérience à prolonger avec le colloque Stase d’écrit, stase d’écran.

Franck Lubet, responsable de la programmation

Colloque international Stase d’écrit, stase d’écran

18-20 octobre 2018

Université Toulouse – Jean Jaurès
Organisateurs : Philippe Ragel & Sylvie Vignes (Professeurs, PLH)

Dans son ouvrage Aisthesis, Jacques Rancière isole quatorze scènes qu’il identifie au « régime esthétique de l’art ». Parmi les nombreux paradigmes qui traversent ces scènes, il en est un qui se révèle particulièrement récurrent sous sa plume : le suspens des actions et des événements.
Le colloque international Stase d’écrit, stase d’écran s’attachera à repérer ces moments de distension narrative, autant en littérature que dans le septième art, pour étudier les conditions et les régimes de leurs manifestations.