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Les films qu’il faut avoir vus 2021

Du jeudi 09 septembre 2021
au mercredi 29 septembre 2021


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Entendons-nous bien, malgré l’usage provocateur de l’article défini, il ne s’agit pas d’une liste idéale. Encore moins définitive. Mais d’une programmation au juger, qui ne vise pas à l’exhaustivité ni à la justesse, sinon à reposer quelques repères sur la carte du cinéma. Des films jalons, qui ont marqué leur époque, qui appartiennent à un tournant de l’histoire du cinéma, ou qui l’ont bousculée… Bref, des films qui font le cinéma et la cinéphilie. Des films qui appartiennent tout simplement à la culture générale. Peut-être pour reposer les fondations d’une base cinéphilique à partir de laquelle commencer une nouvelle saison. Une nouvelle expédition avons-nous envie de dire, comme on parle d’exploration. Celle, pour reprendre une formule de Serge Daney, d’un pays, le cinéma, qui ne figure sur aucune carte de géographie – parce qu’il les englobe tous – et qu’il est encore temps d’explorer de l’intérieur. Une exploration de l’intérieur qui est un travail de tous les instants et de toute la saison, de toutes les saisons. À moins qu’il ne s’agisse que de films à revoir pour le seul plaisir de les revoir. Des films qui se revoient pour eux-mêmes et indépendamment les uns des autres. Sans jugement de valeur ni volonté programmatique.

Encore que… La question se pose. Choisir de montrer un film, quel qu’il soit, pour une raison ou une autre, bonne ou mauvaise, par amour, mercantilisme ou pragmatisme, n’est-il pas toujours un acte de programmation ? Et le jugement de valeur ? N’est-il pas toujours là, au-dessus de nos têtes telle l’épée de Damoclès ? Dans nos têtes, inoculé par une certaine politique culturelle, que le programmateur agisse selon ses propres goûts ou qu’il réponde à un degré de valeur attendu, réclamé, par les spectateurs. La question se pose d’autant qu’en entrant en cinémathèque, la première chose que l’on apprend est qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais films, mais qu’il y a le cinéma. Sous toutes ses formes. Et que l’on conserve tous les cinémas sans jugement de valeur. Au contraire, en ayant bien en tête que les valeurs peuvent changer avec le temps, qu’une Palme d’or ou un Oscar d’hier pourraient paraître très faibles demain, ou que tel petit film passé complètement inaperçu il y a vingt ans sera redécouvert en grande pompe dans dix ans. Bref, la deuxième chose que l’on apprend quand on entre en cinémathèque, c’est à connaître les degrés de valeurs reconnus par la critique et acceptés par l’Histoire, pour les questionner. Regarder plus loin que ses jugements de valeur, et ceux préétablis, et surtout se méfier de son propre jugement moral. L’Histoire est plus grande que nous et, au-delà du cinéma lui-même, tel navet d’aujourd’hui en dira peut-être plus dans cinquante ans de notre époque qu’un chef-d’œuvre.

Alors, quand on parle de films qu’il faudrait avoir vus, c’est aussi, en arrière-plan, avec l’impossible idée que tous les films devraient avoir été vus. Et remonte à la surface un vieux serpent de mer tapi dans les entrailles de la Cinémathèque de Toulouse : programmer tous les films que nous conservons, de la première à la dernière copie entrée dans nos collections, sans titre, ni générique, ni résumé, avec pour seul identifiant son numéro de copie. À l’aveugle. Sans préjugé. Alors pourrions-nous véritablement parler d’une exploration du cinéma de l’intérieur. Alors pourrons-nous parler non plus de films qu’il faut avoir vus, mais du cinéma que nous aurons vu. Un jour peut-être.

Franck Lubet, responsable de la programmation