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Queer ! Glam ! Camp !

Du mardi 04 avril 2023
au mercredi 17 mai 2023


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Queer, Glam, Camp… et trash aurait-on pu ajouter. Mais c’est bien au Camp que ce cycle est plus particulièrement consacré. Au style Camp, comme le définissait Susan Sontag dans son texte de référence paru en 1964 (Notes on Camp) et, plus précisément, à l’approche Camp du cinéma à laquelle Pascal Françaix a consacrée un passionnant essai (sobrement intitulé Camp !) édité par Marest en trois volumes.

Camp, en français cela se lit [kã]. Or il s’agit d’un terme anglo-saxon, à lire, donc, [Kãp]. D’où l’adjonction des adjectifs « Queer » et « Glam » à l’intitulé, afin d’aiguiller la proposition et éviter tout malentendu. Non, il ne s’agira pas d’une programmation sur les campings… Mais une fois que l’on a dit ça, c’est quoi le Camp ?… Une histoire de goût, d’un bon goût du mauvais goût. C’est le dandysme à l’époque de la culture de masse.

Paraphrasant Susan Sontag, tout en la résumant sommairement : le Camp est un certain mode d’esthétisme. C’est une façon de voir le monde comme un phénomène esthétique dont l’idéal ne sera pas la beauté, mais un certain degré d’artifice, de stylisation. Une vision du monde à travers un style – une forme de style très particulière : le goût de l’exagéré, la note de fausseté des choses qui ne sont plus ce qu’elles sont.

Le goût Camp rejoint une prédilection générale, qui est évidente bien que rarement admise : une attirance sexuelle qui se fonde sur des caractéristiques contradictoires à la norme de chaque sexe. C’est une certaine touche de féminité qui semble parfaire la beauté des hommes virils, une nuance de virilité qui accomplit la beauté des femmes. Le goût Camp pour l’androgyne s’accompagnant d’une préférence qui peut paraître contradictoire et qui ne l’est pas : une valorisation des caractéristiques sexuelles et d’une affectation de personnalité. Ainsi la sensibilité Camp est à la fois aiguë et révélatrice que certains éléments peuvent être pris dans un double sens.

Le goût Camp refuse l’axe bipolaire du jugement esthétique habituel : bon – mauvais. Il ne prend pas les choses à rebours. Il ne déclare pas que le bon est mauvais, le mauvais, bon. Mais il apporte un supplément, un autre jeu de critère – dans l’art ou dans la vie.

Fondamentalement ennemi du naturel, porté vers l’artifice et vers l’exagération, le Camp est une forme de sensibilité qui se pique de narguer le sérieux. Les moyens traditionnels de dépasser le sérieux – l’ironie, la satire – semblant aujourd’hui trop faibles, inadéquats, dans le milieu culturellement sursaturé où doit se former et réagir la sensibilité moderne (Susan Sontag écrit cela dans les années 1960), le Camp introduit des normes nouvelles : l’artifice, son idéal, et le jeu des mises en scène.

Le Camp nous propose ainsi une vision comique du monde. Une comédie ni amère, ni satirique. Une comédie détachée. Ou, si la tragédie est une expérience d’engagement poussée à l’extrême, la comédie est une expérience de désengagement. « C’est la pose effrénée, écrit Pascal Françaix dans l’introduction à son ouvrage, l’affectation érigée en système, la dérision par l’outrance, l’exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour pénétrer la sphère comportementale. C’est le reflet de Narcisse dans le miroir de la Méchante Reine de Blanche-Neige. »

Le Camp, c’est tout cela et plus encore. Il n’est pas un genre cinématographique en soi, mais c’est au cinéma qu’il s’illustre particulièrement dans son art de se réapproprier les icônes et les codes outranciers du star-system. C’est le cinéma qu’il arrose de sa générosité, échappant dans sa désinvolture à tout dogme, enveloppant dans son regard tendrement moqueur la comédie musicale comme le cinéma d’avant-garde, les chefs-d’œuvre comme les séries B. Un cinéma d’abandon où il est de bon ton de laisser son sérieux au vestiaire. So, come up to the lab and see what’s on the slab !

Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse

En partenariat avec le Collectif des Archives TPG Sud-Ouest

Le Collectif des Archives TPG Sud-Ouest
Inspiré par Mémoires minoritaires à Marseille ou Mémoires des sexualités à Lyon, le collectif d’archives TransPédéGouine de Toulouse voit le jour début 2022. Groupe militant et autogéré, ses membres souhaitent avant tout offrir des espaces de discussions, d’échanges et de création autour des archives trans, pédé, gouine et intersexe à un niveau local. C’est de façon ludique, coopérative et inventive qu’iels se proposent de cartographier, glaner des récits, réveiller les mémoires, visibiliser les vécus passés et présents – lutter en somme !