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George Miller

Du samedi 15 avril 2023
au mercredi 17 mai 2023


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« La première erreur a été d’interdire ce film à l’exploitation en France. Le voilà paré des prestiges de la malédiction alors qu’il ne mérite aucune attention particulière. »… Ainsi débutait un article sur Mad Max paru en 1982 dans un grand quotidien français alors que le film ressortait avec une interdiction aux moins de 18 ans (sorti en 1979 en Australie, il fut jusque-là classé X en France pour incitation à la violence). L’auteur de l’article, dont nous tairons le nom par respect pour son jugement critique, continuait de la sorte : « _Mad Max_ est un gadget brutal manufacturé par des industriels d’un continent lointain qui ne songent qu’à s’imposer sur le marché occidental de l’hémisphère nord et qui n’imaginent rien de mieux que d’imiter les produits américains pour y parvenir ».

En réalité, Mad Max était un petit film bricolé par deux amateurs, dont un qui finissait ses études de médecine (George Miller). Et l’impact du gadget fut aussi retentissant que Pour une poignée de dollars. George Miller est le Sergio Leone du film de bagnoles. Moins opératique que le maestro, mais pour le moins baroque’n roll, avec son acolyte Byron Kennedy, il a inventé un style et un contre-genre au road movie américain, qui débouchera sur le film post-apocalyptique dont le cinéma bis italien des années 1980 se fera une spécialité. Rien que pour sa saga Mad Max, George Miller valait bien une rétrospective.

Mais il est aussi scénariste et producteur, voire metteur en scène, de films pour enfants. Saviez-vous que si son nom est associé à Max pour l’éternité, c’est pour Happy Feet qu’il a remporté ses seuls Oscars de meilleur réalisateur et meilleur film (d’animation) ? Rien que pour cela, il méritait bien, et deux fois plus, une rétrospective. Chez Miller, on passe des punks de l’Apocalypse assoiffés de pétrole à un cochon tout mignon qui a de la suite dans les idées pour ne pas finir en filet.

Sans filet, fut justement son passage à Hollywood avec Les Sorcières d’Eastwick, comédie endiablée autour d’un magic girl power, qui fut pour lui un rédhibitoire enfer. Sans filet, surtout, la dernière raison de lui consacrer une rétrospective. Celle des Diables blancs, célèbre troupe de funambules dont nous conservons un court film dans les collections de la Cinémathèque : Le Mariage des Diables blancs, tourné en 1954 sur un fil à plusieurs mètres au-dessus de la place du Capitole et immortalisé par une non moins célèbre photo de Jean Dieuzaide.

Au sein de cette troupe de funambules, José Canga, futur cascadeur automobile qui travaillera sur plusieurs films (Alphaville, Le Corniaud, Les Félins, _Fantômas_…) avant de partir, au début des années 1970, écumer les pistes australiennes à la tête des French Hells Drivers. Et c’est là-bas qu’il prendra sous son aile et formera un certain Max Aspin, cascadeur et coordinateur des cascades de Mad Max 2, le défi.

Vous l’aurez compris, ce n’est pas seulement une rétrospective de l’éclectique et imprévisible George Miller que nous vous proposons, mais à travers elle nous lançons un improbable fil d’équilibriste qui nous ramènera du bush australien au Capitole. Improbable, oui, comme d’imaginer le père de Mad Max oscarisé pour un film d’animation dans lequel un manchot fait des claquettes. Tel est George Miller.

Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse