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Actors Studio

Du mardi 17 octobre 2023
au samedi 16 décembre 2023


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École d’acteur.ices, laboratoire d’art dramatique, fabrique à stars oscarisables, l’Actors Studio évoque les légendes (à commencer par son trident historique, The Magnificent Three  : Montgomery Clift, James Dean et Marlon Brando), en même temps qu’il convoque un imaginaire empreint de mystère – la fameuse Méthode – et ouvre une fenêtre sur l’histoire du théâtre et du cinéma américains de ces soixante-dix dernières années.

Devenu un label, voire une marque de fabrique, l’Actors Studio est à la base un atelier de travail, d’expérimentations et de perfectionnement, pour les comédien.nes. Il est créé à New York, en 1947, par Robert Lewis, Cheryl Crawford et Elia Kazan, trois acteurs et metteurs en scène issus du Group Theatre : troupe de théâtre active dans les années 1930, au sein de laquelle officiaient déjà Stella Adler ou Lee Strasberg qui dirigera le Studio de 1951 à sa mort et grand ordonnateur de la Méthode.

Inspirée du Système Stanislavski (du nom du créateur du Théâtre d’Art de Moscou où il développa une manière psychologique d’incarner un personnage en puisant dans son vécu), la Méthode est le fer de lance de l’Actors Studio. Et elle va tout changer à Hollywood. Elle va irrémédiablement transformer la manière de jouer du théâtre et du cinéma américains. Dès lors, il s’agira de restituer la complexité des personnages en les libérant des archétypes qui les caractérisaient dans le cinéma classique des studios. Un travail minutieux basé sur des exercices sensoriels et une préparation très poussée des rôles, physique et psychologique, dont les moindres gestes sont motivés par une idée de la caractérisation des personnages, elle-même puisée par les acteurs dans leur propre mémoire affective et sensorielle. Il ne s’agira plus de jouer, mais d’être, d’incarner plutôt que d’interpréter.

Il ne s’agira plus de jouer,
mais d’être,
d’incarner plutôt que d’interpréter.

La Méthode cherche la vérité dans le jeu. Celle du personnage. Et celle de l’acteur. Pas simplement comment le personnage réagit à une situation, mais comment l’interprète réagirait lui-même s’il se retrouvait dans cette même situation. Un travail d’introspection pour extérioriser le personnage. Cela crée un trouble. Où s’arrête le personnage, où commence l’homme ou la femme qui l’interprète ? Et inversement. Comme un être possédé. L’acteur possède-t-il le rôle ou est-il possédé par le personnage ? Quelque chose se joue devant la caméra et se reproduira sur l’écran. Quelque chose de l’aura, peut-être retrouvée, dont Walter Benjamin écrivait que nous l’avions perdue avec la reproduction mécanique.

On pourra parler alors de réalisme américain – différent du réalisme poétique français, du réalisme socialiste soviétique, du néoréalisme italien. Un réalisme qui repose sur les comédiens, combinaison de leur observation et de leur ressenti, et de leur dévotion à leur art. Où ils se mettent en je et en jeu plus qu’ils ou elles ne jouent. On pensera à De Niro qui ouvre avec Raging Bull une veine transformiste extrême, ou encore à Charlize Theron dans Monster. On pense à Daniel Day-Lewis qui passa des mois dans un fauteuil roulant, sur et hors du plateau, dans les conditions d’un tétraplégique, pour incarner Christy Brown dans My Left Foot… On parle d’un réalisme où les acteurs sont eux-mêmes créateurs de formes, pour ne pas dire auteurs à part entière du film. Une nouvelle politique des acteurs – pour reprendre la formule de Luc Moullet – qui est aussi celle de nouveaux auteurs qui écrivent avec leur corps.

Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse