Jules et Jim
François Truffaut. 1962. Fr. 105 min. N&b. DCP.
Paris, début 1900. Jules est allemand. Jim, français. Les deux amis artistes s’éprennent de la même femme. Un tourbillon de sentiments et de poésie. Un film pur et intemporel. François Truffaut joue une sérénade à trois inoubliable et exalte la beauté d’une femme bien décidée à « inventer l’amour ». Jeanne Moreau, pilier central de cet éblouissant chef-d’œuvre, illumine littéralement chaque plan de ce classique des classiques. Et l’on devrait s’arrêter là pour profiter de ce modèle d’adaptation. Pour son troisième long métrage après Les Quatre Cents Coups (1959) et Tirez sur le pianiste (1960), le cinéaste adaptait le premier roman (publié en 1953) d’Henri-Pierre Roché, jeune auteur octogénaire qui « préféra vivre beaucoup et écrire plus tard », dixit Truffaut. Jules et Jim le livre et François Truffaut le metteur en scène. Toute une histoire. Lorsqu’il cita pour la première fois le roman dans la revue Arts, Truffaut n’avait pas encore réalisé de film, et le jeune journaliste d’alors s’était promis d’entrer en cinéma en portant à l’écran l’ouvrage de Roché. Chose faite en 1962, trois ans après la mort de l’écrivain avec qui François Truffaut avait maintenu une correspondance régulière.
Le livre était né d’un coup de cœur pour la vie, et le film était né d’un coup de cœur pour le livre, et son adaptation résonnait comme une promesse à un ami défunt, mais se présentait aussi comme la première étude truffaldienne d’une passion mortifère, thème cher au cinéaste. Un cinéaste qui jonglait désormais entre le côté scabreux des situations et la pureté de l’ensemble pour un film qui réussissait à conserver la saveur littéraire du roman tout en étant un modèle de mise en scène. La voix off (tirée de certains passages du roman) permettait ainsi d’admirables ellipses, mieux encore quand le cinéaste plaçait au fil du film treize reproductions de tableaux de Pablo Picasso comme autant d’indices reflétant l’état d’esprit de ses personnages, comme autant de marqueurs temporels. Dès lors Jules et Jim prend des allures de conte déconnecté de tout réalisme. Ici, personne ne semble vieillir alors que l’action se déroule sur plus de deux décennies. Ici est le pays de la jeunesse éternelle où l’amour libre peut mener à une issue fatale. Ici, Jules aime Catherine qui aime Jim, insouciants face au tourbillon de la vie.