Tirez sur le pianiste

François Truffaut. 1960. Fr. 83 min. N&b. DCP.


Galaxie Truffaut



« Le succès des Quatre Cents Coups a été pour moi une surprise totale. J’étais libre comme l’air et j’ai donc choisi la contrainte pour ne pas devenir fou. Je me suis placé dans la situation du cinéaste à qui l’on impose une commande : un roman de la Série noire, américain, à transposer en France. J’ai choisi Tirez sur le pianiste par admiration pour l’auteur de ce roman, David Goodis, dont les cinéphiles connaissaient peut être Cauchemar, qui devint au cinéma Les Passagers de la nuit de Delmer Daves, et Le Casse, adapté par Paul Wendkos sous le titre Le Cambrioleur. Comme je désirais beaucoup, depuis que j’avais vu La Tête contre les murs, tourner un film avec Aznavour, je pouvais concilier deux rêves en réunissant Goodis et Aznavour. Et puis Tirez sur le pianiste me donnait l’occasion de montrer que j’avais été formé par le cinéma américain. De cette façon, je rendais hommage à l’œuvre de Nicholas Ray et de Samuel Fuller pour ne citer qu’eux. » Voilà ce que disait François Truffaut à propos de Tirez sur le pianiste. Alors forcément, quand il adapte ce roman noir de Goodis, il pense série B made in USA. Il hommage, il mélange et contrefait, pour dépasser les conventions du genre et trouver un ton nouveau.
Car malgré l’aspect burlesque de certaines scènes, Tirez sur le pianiste ne sera jamais une parodie, mais plutôt un pastiche respectueux et plus précisément un film noir à la manière d’un conte de fées, où un timide pianiste de bar, brisé par le suicide de sa femme, enchaîne les ennuis quand deux gangsters s’en prennent à son frère réapparu après quatre ans d’absence. Une intrigue typique de série noire donc, dont Truffaut allait tirer un film en équilibre volontairement instable à la croisée des genres à l’image de ces gangsters aussi drôles qu’inquiétants. Même la musique est de la partie quand les accords nostalgiques de Charles Aznavour sont aussitôt suivis par les géniales facéties de Boby Lapointe. Et quand on sait que de nombreux critiques littéraires reprochèrent à David Goodis ses fameuses ruptures de ton, on se dit que Tirez sur le pianiste vient à point pour remettre les pendules à l’heure. Un Truffaut libre, un Truffaut malicieux, pour un polar brillant et narquois comme une réponse désinvolte à l’À bout de souffle de Jean-Luc Godard.

jeudi 05 février 2026, 19h30       Infos pratiques
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