Ran

Akira Kurosawa. 1985. Japon / Fr. 163 min. Coul. DCP. VOSTF.


Galaxie Kurosawa



Dans A.K., formidable documentaire de Chris Marker consacré au tournage de Ran, on peut observer le sensei Kurosawa et son commando au travail. On assiste à l’agencement de cette fameuse scène de bataille filmée avec ces trois caméras placées selon des angles très précis. On y voit aussi l’auteur des Sept Samouraïs choisir avec une précision maniaque ses objectifs et faire preuve d’une infinie patience face aux éléments naturels qui paralysent l’équipe. On saisit là l’étendue du talent d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens. Ran (« chaos » en japonais) est une fresque somptueuse qui impressionne du début à la fin. Le film japonais le plus cher jamais produit à l’époque, que Kurosawa, alors âgé de soixante-quinze ans, considérait, à juste titre, comme le couronnement de sa carrière. Le film de tous les superlatifs aussi : deux cent dix jours de tournage, deux mille figurants, deux cent vingt chevaux spécialement dressés pour les scènes de batailles, six cents armures recréées minutieusement par un forgeron… Il avait fallu au cinéaste une décennie pour concevoir un impressionnant story-board peint, et il faudrait deux années de plus pour confectionner les centaines de costumes visibles à l’écran.
Le point de départ de Ran est basé sur des événements historiques réels, l’histoire d’un chef de guerre du XVIe siècle qui avait su transmettre sagesse et courage à ses descendants. Et si… Et si ses enfants s’étaient opposés à leur père et s’étaient dévorés entre eux ? Le fait historique glisse vers la tragédie shakespearienne pour finalement se fondre dans une apocalypse médiévale. Kurosawa s’était déjà approprié Shakespeare, et Macbeth avait déjà largement inspiré Le Château de l’araignée. Dans Ran, les trois filles du roi Lear deviennent les trois fils d’un vieux seigneur affaibli par la vieillesse. Trois héritiers, trois domaines et un père au bord de la folie, plongés dans une spirale autodestructrice. Quand la folie meurtrière se conjugue à l’ivresse du pouvoir, les passions humaines se déchaînent. Les pentes du Mont Fuji deviennent alors le théâtre d’ahurissantes batailles spectaculaires et sauvages. La leçon est édifiante, le film grandiose, et Ran prouve, une bonne fois pour toutes, que Kurosawa est un des rares cinéastes capables de fusionner noirceur du propos et époustouflante beauté picturale.

jeudi 26 février 2026, 19h30       Infos pratiques
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